Depuis les exploits de Garrett McNamara en matière de surf, Nazaré est devenu "tendance". Cependant, ce n'est pas la relation que j'entretiens avec cet ancien village que j'ai vu grandir et changer comme moi. Voyez-vous, j'ai eu la chance d'y avoir une maison et d'y venir chaque été depuis ma naissance.
Lorsque j'ai sélectionné les premières images susceptibles d'être utilisées pour mes linges, c'est tout naturellement que j'ai été attirée par celles qu'Artur Pastor a réalisées de Nazaré. Comme je l'ai déjà dit, si peu de choses ont changé entre les années 1950 et 1970 dans ce pays prisonnier de la dictature de Salazar.
Nazaré a toujours eu sa propre magie ainsi que son identité. Enfant, j'ai appris à adorer ce peuple courageux et fier dont la mer est autant l'amie que l'ennemie. J'ai eu la chance d'assister à la traction des bateaux par les bœufs et les hommes, de dormir à l'ombre des barques entre deux plongeons dans la mer et de me faire appeler meu amor dix fois par jour par toutes les femmes nazaréennes.
François Mauriac a écrit de magnifiques paroles sur Nazaré en 1955 : " Ces pêcheurs, vêtus d'étoffes de laine polychromes, propulsent leurs barques dans les vagues et lancent leurs filets comme s'ils étaient sous l'ordre d'un maître invisible.
Je ne crois pas que l'on puisse éprouver en Europe un sentiment de dépaysement et d'étonnement aussi intense que celui que l'on ressent dans ce village brûlé par le soleil, parmi ce peuple biblique où je me suis trouvé soudain hors du temps. Il y a beaucoup d'autres merveilles au Portugal mais Nazaré reste mon souvenir le plus étrange ".
Si le courage des pêcheurs a fait sa renommée, Nazaré a néanmoins sa propre légende depuis des siècles, comme de nombreuses villes portugaises, bercées par leur culture judéo-chrétienne.
La légende raconte qu'à la naissance du jour du 14 septembre 1182, D. Fuas Roupinho, maire du château de Porto de Mós, chassait le long de la côte, entouré d'un épais brouillard, près de ses terres, lorsqu'il aperçut un cerf qu'il se mit immédiatement à chasser. Le cerf se dirigea vers le sommet d'une falaise. D. Fuas, dans le brouillard, s'est isolé de ses compagnons. Quand il s'est rendu compte qu'il était en haut de la falaise, au bord de la falaise, en danger de mort, il a reconnu l'endroit. Il était juste à côté d'une grotte où l'on adorait une image de la Vierge Marie et de l'enfant Jésus. Alors il supplia, d'une voix forte : Ma Dame, sauvez-moi ! Aussitôt, le cheval s'arrêta miraculeusement, plantant ses pieds sur le bloc rocheux suspendu au-dessus du vide, le Bico do Milagre, sauvant ainsi le cavalier et sa monture d'une mort certaine qui résulterait d'une chute de plus de cent mètres. Le cerf était le diable qui, cependant, s'est dissous en fumée. Les pattes arrière du cheval ont été gravées sur la roche et, dit-on, on peut encore les y voir aujourd'hui.
D. Fuas Roupinho a ordonné la construction de la chapelle de Nossa Senhora da Nazaré à ce même endroit, qui est devenue connue sous le nom de Memória, en l'honneur du miracle extraordinaire qui a sauvé ce héros portugais.
Les naufrages successifs ont marqué la population nazaréenne de noir et de deuil pendant des décennies. La construction d'un port qui garantirait les conditions de sécurité maritime et réduirait le risque de la vie des pêcheurs était le plus grand souhait de la population pendant presque tout le XXème siècle.
Ce rêve du progrès, après des années et des années de promesses, se réalisera dans la première moitié des années 80, facilitant ainsi le départ des bateaux et des activités de pêche de la plage et offrant une plus grande sécurité aux les hommes et à leurs embarcations.
Aujourd'hui, il ne reste de ce temps que les ruelles étroites et silencieuses, les murs effrités et le hurlement des vagues. De temps en temps, j'aime m'y promener et m'y perdre pour retrouver l'atmosphère du village d'hier. Surtout pendant l'hiver.
Nazaré est depuis longtemps un spot pour les vacanciers ou les amateurs de plage, mais tout s'est accéléré depuis 2011.
Chaque année, de plus en plus de surfeurs, venus des quatre coins de la planète, viennent au Portugal, pour défier la plus grande vague du monde ! Depuis 30 ans, le Portugal est une destination de surf - notamment à Peniche et Ericeira - mais personne n'allait encore à Nazaré. L'une des raisons était que personne ne savait comment surfer ces vagues.
Garrett McNamara a entendu parler de Nazaré pour la première fois en 2005, lorsqu'il a reçu un e-mail de Dino Casimiro, un bodyboarder local. À l'époque, il n'y a pas prêté attention, comme il l'a dit lui-même :"En tant qu'Américain moyen, qui a fait ses études dans l'océan, je ne savais pas où se trouvait le Portugal."
Il aura fallu cinq ans pour convaincre McNamara à s'intéresser de plus près à Nazaré, mais dès qu'il est monté au phare et a regardé la Praia do Norte, il a su que sa vie allait changer. McNamara a alors commencé à mettre en place l'infrastructure nécessaire pour affronter les vagues, notamment en organisant le sauvetage par des jet-skis.
Et enfin, le 1er novembre 2011, à 44 ans, McNamara a réalisé l'inimaginable : surfer une vague de 23,77 mètres à Praia do Norte, Nazaré ! Petit à petit, le monde du surf a lui aussi été conquis. Nazaré est tout simplement le spot le plus fiable au monde pour les grosses vagues maintenant.
Depuis lors, Nazaré vit une renaissance entre habitués, curieux et surfeurs. Et, ce qui était autrefois un petit village tranquille est devenu un lieu incontournable avec ses rues bondées, sauf pendant quelques jours en hiver.
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Crédits photographiques :
Photographies N&B d'Artur Pastor (années 50)
Photographies couleur de Lisbon by Light (2015)
Photographie de surf : source inconnue